Le film Thelma and Louise (1991) scénarisé par Callie Khouri et réalisé par Ridley Scott fait écho aux tendances des années 1980-1990 pour l’avènement de l’héroïne hollywoodienne, dans ce cas-ci des héroïnes, dans les films de genre hollywoodien. En effet, le film se réapproprie les codes du western et du road-movie pour mieux les subvertir en s’appropriant des codes de genre masculin pour les appliquer à des personnages féminins. Le film brise ainsi le regard masculin, tel que théorisé par Laura Mulvey, puisque les femmes n’y sont pas représentées en tant qu’objets de désir et du regard passifs pour un protagoniste masculin, mais plutôt comme des protagonistes pleines d’agentivité, affrontant leurs péripéties seules, en l’absence de sauveur masculin. Cela nous amène à réfléchir à propos de la question suivante : bien que réalisé par un homme cisgenre, peut-on qualifier le film de Ridley Scott comme étant féministe ? Je pense que oui, puisque d’abord, tel que mentionné plus tôt, le film renverse le regard masculin hétérosexuel typique des films de narration classique et, qui plus est, parce que le film expose des problèmes sociaux vécus par les femmes en raison de la culture dominante patriarcale.
D’abord, en ce qui a trait, au renversement du regard masculin dans le film, celui-ci se perçoit à travers les thèmes autant que dans l’esthétique du film. Pour ce qui est des aspects esthétiques, l’iconographie typiquement associée au masculin, telle que les armes, les voitures et la violence, est ici associée à des personnages féminins. Ainsi, les symboles présents dans le film brisent les rôles des genres par leur utilisation subversive. La manière dont les femmes se conforment au début du film au regard masculin dans leur habillement est aussi par la suite renversée. En effet, leurs codes vestimentaires évoluent en même temps que leur évolution psychologique; elles s’habillent de manière de plus en plus androgyne plus elles se révoltent et s’émancipent du système patriarcal. Le film brise également la matrice hétérosexuelle dans son scénario, puisque qu’il n’y a pas de héros masculin qui vient sauver les femmes et que les femmes sont héroïnes entre elles.
Par ailleurs, tout comme le film Blue Steel (1989), le film Thelma et Louise expose les problèmes sociaux vécus par les femmes dans une société patriarcale. Par exemple, le film montre que Thelma vit sous le contrôle et la violence psychologique de son mari. Thelma est harcelée sexuellement en état d’ivresse et agressée par un homme violent. Louise, pour sa part, a été agressée sexuellement lorsqu’elle vivait au Texas et n’a pas été crue par la police; elle vit avec un stress post-traumatique. Après avoir tué l’agresseur de Thelma, les deux femmes craignent de porter plainte à la police par crainte de ne pas être crues, une crainte très répandue chez les victimes d’agression sexuelle, le système de justice leur donnant souvent raison d’avoir peur. De plus, le film expose à quel point les femmes sont exploitées par les hommes dans cette société patriarcale; que ce soit par du travail invisible (le travail de Thelma à la maison pour son mari), ou par de l’exploitation sexuelle (le jeune cowboy qui couche avec Thelma pour lui voler son argent), ou même financière. La situation finale du film par la mort symbolique des deux femmes renforce l’idée que les femmes préfèrent mourir en étant libres et elles-mêmes plutôt que continuer de se conformer à ce que la société exige d’elles, et ainsi être censurées, prisonnières dans leur rôle social passif ou encore esclaves des hommes dans leur vie.
En conclusion, je pense que le film Thelma and Louise est hautement féministe, puisque le film subvertit les rôles des genres en renversant le regard masculin et aussi parce qu’il dénonce les problèmes sociaux vécus par les femmes dans une société patriarcale. Dans une perspective queer et non essentialiste, on peut dire que cela n’a pas d’importance que film ait été réalisé par un homme, ce sont les thèmes et la manière dont ils sont traités qui définissent le degré féministe d’un film.