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  • Photo du rédacteurVéronique Mc Nealis

Analyse filmique | Twin Peaks, une série hautement cinématique

Dernière mise à jour : 11 nov. 2021


La série Twin Peaks de David Lynch est connue comme celle ayant révolutionné la télévision et lancé le deuxième âge d'or de la télé à partir des années 1980. Or, la série pousse à remettre en question le clivage entre le cinéma et la télévision, par son intersection entre les deux. En effet, on pourrait argumenter que la série télévisée Twin Peaks a davantage des qualités cinématographiques que télévisuelles. David Lynch, auteur de cinéma, a fait en sorte que Twin Peaks a offert une présence ou une vision cinématique à la télévision.


  • Le style visuel de Twin Peaks est très cinématique à la base : son éclairage stylisé avec de forts contrastes, ses compositions complexes avec souvent de la profondeur de champ, ses longs plans ininterrompus, etc. En effet, dès le pilote, par exemple, une séquence met en évidence le style cinématographique de la série : lorsque la mère de Laura monte les escaliers pour savoir pourquoi Laura ne descendait pour le déjeuner, la caméra la filme en contre-plongée dans un plan de longue durée. Au début, le plan est très sombre, mais dès que la mère se met à ouvrir des portes, de la lumière dorée commence à jaillir de plusieurs directions. Pendant qu’on regarde la scène, on observe en arrière-plan un ventilateur de plafond tourné sinistrement. Après un court plan de la mère de Laura scannant sa chambre en caméra subjective, on retourne au plan initial suivi d’un insert sur le ventilateur. Cette séquence, parmi tant d’autres, est considérée comme un moment que la télé n’est pas supposée avoir, par ses traits très cinématiques. Comme le dit Fred Orain, c’est grâce au cinéma, à sa technique faite de goût, de soins et de rigueur que la télévision peut alimenter ses programmes.


  • La série Twin Peaks s’inspire de plusieurs classiques cinématographiques, en termes de personnages, thèmes et styles, y compris des films de Lynch lui-même. Notamment, le film noir Laura (Otto Preminger, 1944) qui a inspiré le nom de la protagoniste Laura Palmer. Central dans le film, un portrait de Laura hante les autres personnages comme c’est le cas de la photographie de Laura and Twin Peaks. Vertigo d’Alfred Hitchcock fait aussi partie de l’intertextualité de la série. En effet, dans Vertigo deux personnages sont joués par la même actrice dont l’une est brune et l’autre blonde, comme c’est le cas de Laura Palmer et Madeleine Ferguson jouées par la même actrice, Sheryl Lee. D’ailleurs, dans le film, un des personnages est nommé Madeleine et dans la série comme dans le film, la brunette se teint en blonde afin d’imiter le portrait hantant de la blonde.




  • Qui plus est, en ce qui a trait à Blue Velvet, le plan de l’oiseau qui ouvre la série et commence à chaque épisode est un écho au plan final du film culte de Lynch. Il s’agit d’un autre élément dans la série marquant la présence de David Lynch dans le processus de création de Twin Peaks et l’établit comme une œuvre d’art cinématique d’un auteur de films reconnu. À cause de sa similitude thématique, temporelle, et stylistique à Twin Peaks, Blue Velvet et Twin Peaks peuvent être considérés comme des œuvres compagnes; Twin Peaks peut être interprété comme le remake de Blue Velvet sous forme sérielle et télévisuelle. (Potter Palmer, 1997, Auteur TV: Twin Peaks. Quality TV And the Cult-ivated Audience). Les deux œuvres partagent le même univers, soit la classe moyenne des années 50, des thèmes, des acteurs, dont l’acteur principal, Kyle MacLachlan, et le même style. Et ce sont ces similarités qui ont conduit plusieurs critiques à considérer Twin Peaks comme le produit de David Lynch.




  • Les discussions concernant la série dans la presse populaire et par les fans de la série se sont faites en mettant en relation Twin Peaks et l’œuvre Lynchienne ainsi que l’identification des thèmes Lynchiens, personnages, éléments de style et visuels trouvés dans le texte. Cette réception « auteuriste » est particulière étant donné que le texte discuté est télévisuel, un médium pas habituellement associé à la notion d’auteur. Traditionnellement, la télé a été perçue comme un flux anonyme de programmation pas digne d’avoir une distinction d’auteur. En revanche, la série Twin Peaks a été reçue comme l’œuvre de David Lynch, à tort ou à raison, comme les autres œuvres cinématographiques de Lynch. La relation étroite entre le cinéma d’auteur et la série de Lynch suggère ainsi que la série est elle-même un produit cinématographique.




  • Twin Peaks, comme les œuvres de David Lynch en général, s’inspire également du courant cinématographique le surréalisme des années 1930. Les films de Lynch sont souvent décrits comme étant construits comme des rêves, les images ont l’hyper réalité des rêves, les dialogues et le montage sont associatifs et elliptiques. Les rêves jouent un rôle crucial dans les œuvres lynchiennes : le rêve de Sandy sur le retour du rouge-gorge, le rêve de Cooper révélant le tueur de Laura Palmer, etc. Les rêves dans ses films sont à la fois un conduit vers les désirs et vers les forces et pouvoirs cachés. Le rêve de Sandy dans Blue Velvet révèle ses espoirs et ses désirs pour une vie traditionnelle et idyllique dans un monde où l’amour innocent est de nouveau réapparu. Tandis que le rêve de Cooper dans Twin Peaks, est une route vers le monde caché du savoir et des secrets dans lequel l’identité du tueur peut être révélée et une fille assassinée peut parler. L’importance des rêves dans les œuvres lynchiennes a conduit les critiques à les associer au courant du surréalisme. Un critique a d’ailleurs comparé Twin Peaks au film The Discreet Charm of The Bourgeoisie (1972) de Bunuel par leur mystère irrésolu et leur surréalisme.




  • La première diffusion de Twin Peaks sur la chaîne ABC s’est faite sans pause publicitaire. ABC aurait apparemment voulu transmettre l’idée que ce dimanche soir de cinéma créé par David Lynch fournirait aux téléspectateurs une expérience cinématique. De cette manière, Twin Peaks transcende les codes télévisuels habituels et le pilote peut être considéré comme un film par sa diffusion ininterrompue.




  • Twin Peaks transcende les codes télévisuels de bien d’autres manières. Certains considèrent la série trop sophistiquée pour le spectateur moyen. La série avait déjà été promue comme celle qui allait changer le réseau télévisuel par son esthétique cinématique et sa complexité narrative. La narration n’est pas linéaire, ni pointue, ni rapide à laquelle le spectateur moyen est habitué. Le style est considéré par certains critiques comme trop artistique, obtus et en arche pour connaître une grande popularité. On dit même que Lynch faisant de la télévision sonne absurde, étant donné que ces films sont tout ce que la télévision de l’époque n’est pas : aventureux, inquiétants, érotiques, visuellement excitants et très personnels.



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